Madame:
Par la présente, je souhaite vous informer de mon intention de quitter les fonctions d’amant que j’exerce actuellement ; je souhaite, en effet, me consacrer à d’autres projets et j’espère que cette décision soit prise par vous avec une certaine maturité.
La fin de notre désir charnel qu’avait motivé notre idylle, suppose sans doute une cause d’importance majeure dans cette prise de décision sereine et réfléchie.
Par ailleurs, nos respectives vies conjugales auxquelles aucun de nous deux a l’intention de renoncer pourraient se voir affectées par une relation tout à fait extraconjugale et infidèle une fois que la passion complice est en train de dégénérer en sentiments de jalousie et méfiance.
N’existant un cadre juridique sinon un vide législatif pour mettre fin aux relations de ce genre, pourvu que l’infidélité n’implique dans le code civil que des conséquences néfastes pour les amants, puisque les deux sommes mariés et malgré la double moralité existante dans le discours sociale, j’espère, que l’on trouvera un moyen aimable d’extinction effective de notre liaison.
Or, je voudrais éviter tout reproche ayant été nous deux victimes d’une envie inattendue et motivée par des besoins, tout à fait compréhensibles entre êtres humains dans une situation d’impasse émotionnel. En revanche, je veux vous remercier pour m’avoir fait sentir de nombreuses et agréables sensations, des plaisirs et des charmes sous lesquels je suis tombé ; vous remercier pour m’avoir rendu créatif, m’avoir inspiré et avoir fait de moi un poète fou de votre métrique. Il ne sera jamais possible d’oublier vos cheveux mouillés sous la pluie lors de notre première rencontre, votre poitrine sur la mienne dans la foule d’automne, nos cœurs battants, l’impatience du premier baiser, les mots bleus, mes premiers vers. Votre silhouette et la lumière tamisée dans la chambre d’hôtel, votre regard distrait et indolent et mon regard sur vous, à travers le miroir, couché sur un lit défait.
Les plaisirs interdits, les délires furtifs, l’excitante et louche peur d’être découverts, comment l’oublier? Les cadeaux de votre mari réservés pour moi en exclusivité, votre impudique insolence …et l’ennui. Le sexe comme sauvetage de l’ennui, les nouveaux partenaires, les femmes des uns sur les corps des autres, et quoi d’autre, no comment…l’excès. Le « … désolée mais aujourd’hui m’est impossible… », la voix de votre mari de l’autre côté du téléphone, la détestable bienveillance de ma femme au côté sombre de mon cœur. C’est pourquoi il m’est difficile de continuer avec la même fraîcheur et la même passion, délaissé, je ne trouve plus de mots.
Pendant tout ce temps, de vous je ne jamais rien exigé et c’est sans exigence que je vous propose ce dénouement. En effet, les exigences de votre part m’infligeant un sévère martyre, là où l’obligation remplace le désir, la romance devient tragédie et j’ai toujours voulut trouver en vous l’évasion de la routine, néanmoins, le devoir de trouver des moments d’isolement pour continuer à vous écrire finit pour m’agacer.
La conclusion d’une rupture, peu conventionnelle, nécessitant au moins un entretien préalable, serait l’occasion d’un dernier rendez-vous. Une chambre face à la mer, quelques pages, un peu d’encre et vous. Une paire de flûtes, les gymnopédies, les gnossiennes et votre parfum, celui avec lequel je vous ai toujours imaginé ; il serait notre dernier sonnet. Un jour, il ne restera de notre éphémère amour qu’un vieux cahier usé et minable en mains de n’importe qui et finira, peut-être dans les flames ou pire.
En cas d’accord de votre part, je me tiens à votre disposition pour que nous nous entretenions de la rupture non conventionnelle de notre contrat.
Je vous remercie par avance de l’accueil que vous voudriez faire à ma demande et vous adresse, Madame, mes salutations distinguées.
Bien à vous.
"Les amants", René Magritte, 1928
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